Impressions montréalaises
- Clémence Dubois Lemieux
- Apr 4
- 2 min read
Patrimoine montréalais, l’ancien Marché Maisonneuve révèle sa splendeur dans l’air frisquet de novembre. Tuiles brillantes, fenêtres délicates, les yeux sont pourtant ramenés au sol beaucoup trop vite par le poids de la réalité. Dans l’espace vague entre la piscine et la bâtisse est niché un « patchwork »de tentes colorées, dont le seul trouble semble être un chien affolé par les écureuils gras qui lui filent sous le nez. Toutefois, les occupants de la place sont loin d’être au repos : l’hiver approche. Depuis cinq ans, le nombre de gens ballottés par le gré des rues de la métropole a grimpé. Tentant d’être vu une bonne fois pour toute, il a maintenant presque grossi de moitié. Rejetés de leur logement, anciens incarcérés, jeunes sans famille, ils font tous partie de cette masse à « éliminer ». Le budget manque pourtant toujours à l’appel et c’est sous cette épée de Damoclès, qui se veut bienfaitrice, que rêve chaque nuit froide les itinérants de Montréal.

Pas très loin, le centre d’hébergement se réveille de cœur avec ses briques rouges et froides. Peu savent écouter ces dernières, mais dans leur cœur de pierre, un désir crie pour être entendu. Depuis l’été, les parois ne suffisent plus à contenir la masse vivante qui se présente à ses portes. Son muet, le souhait irrationnel de prendre vie de devenir chenille habite les murs de l’institution. En effet, face à la peine, la peur et surtout au nombre toujours plus grand d’humains à protéger, l’entité tremble de devenir papillon. Ouvrir ses ailes et prendre de l’expansion, le rêve impossible d’un bâtiment plein à craquer.
Moi, je suis une magnifique carotte aux premières loges de la crise. Je vaux 0,10$. Toutefois, ici, il y a des gens qui font la file pour m’obtenir. Ce n’est pas pour ma couleur, mais parce que ces gens ont faim. Qu’ils soient familles, travailleur.se.s ou étudiant.e.s, tous se pressent pour se voir offrir un de mes semblables. La prestigieuse carotte de la semaine ! Dans mon palais, soit la banque alimentaire, je suis en demande, que dis-je ! Je suis vénérée par ces affamés. Si plus de la moitié des banques alimentaires manquent de denrées, c’est la faute de l’inflation apparemment ... En tout cas, jamais un légume orange n’a auparavant eu autant de gloire !
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