L’enfant mascara
- Clémence Dubois Lemieux
- Jan 18
- 2 min read
Comment être authentique à l’écrit ? Ce n’est malheureusement pas une question à laquelle j’ai la réponse. Toutefois, Simon Boulerice, lui, marque la littérature québécoise en 2016 avec L’enfant mascara, roman poétique, dont le réalisme laisse une poussière dans les yeux et une amertume désagréable en bouche.
« Je m’appelle Leticia. » C’est une phrase simple et, pourtant, d’un courage sans borne. Pour l’adolescente, la vie a commis une erreur en la faisant naître sous la forme de Larry. Pauvre, adoptée, trans, évoluant dans le cadre socioéconomique des États-Unis actuel, elle devient la narratrice de sa propre fin, victime d’une flamme dévorante : l’amour. Inspiré d’un
drame homophobe ayant réellement eu lieu en Californie, ce récit rapporte la trop courte métamorphose d’une arrogante et éclatante jeune fille, dont l’ambition sera arrêtée d’une balle. Pow !

Dès les premières lignes, les thèmes abordés, le format et le style m’ont happée. D'abord, l’auteur représente le chorégraphe d’une danse entre amitié, violence familiale, espoir, discrimination et identité. En fait, son art vibre de compassion pour ceux qui subissent ces souffrances trop souvent normalisées. La narratrice, Leticia, qui s'adresse au garçon, dont elle est amoureuse, dévoile des morceaux de son quotidien, un « patchwork » coloré à la. texture tantôt soyeuse, tantôt rugueuse. En réalité, c’est au fil de ces courts chapitres et des verbatim des proches de la réelle victime que nous voyons se tisser la trame de la tragédie amoureuse. De plus, les sujets d’actualité énumérés plus tôt sont explorés à un rythme, à mon avis, indubitablement entraînant puis touchant.
Ensuite, le style à la fois riche et accessible reste un des points forts de ce roman. Alternant poèmes et narration, Boulerice a su créer plusieurs images parlantes. Que ce soit par les titres de ses chapitres, habiles jeux de mots ou par le vocabulaire recherché de ce récit, le tout forme pour moi un équilibre parfait entre richesse et fluidité. Pour n’en citer qu’un, le passage suivant est un de mes favoris :
« Un jour, je cesserai de me sentir comme une carte routière désemparée dans un grand vent, qui déchire de partout et ne sait plus où est son nord. »
En effet, cette métaphore appartient à un vaste éventail d’autres procédés
stylistiques qui rendent profond le récit.
Bref, L’enfant mascara est un roman que je vous recommande sincèrement à cause de sa beauté troublante et de ses thèmes cruciaux. Critique forte d’une société tendant vers la discrimination, ce récit s’inscrit dans la catégorie des écrits desquels nous émergeons plus ouvert.e.s. Sa pertinence, même dans un cadre scolaire comme le nôtre, m’encourage d’autant plus à vous le conseiller !
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